En cyclisme, les règles, lois et normes d'aujourd'hui sont d'une sévérité exceptionnelle.
Voyez le cyclisme, un sport pratiqué surtout il y a quelques décennies en France, en Italie, en Belgique et aux Pays-Bas. Depuis quelques temps, des Australiens, Allemands, Kazakhs, Luxembourgeois, Biélorusses, Danois, Américains et d'autres nationalités font leur apparition à la tête du classement des grandes compétitions. Conséquence : les habitudes, les principes moraux et l'éthique qui régissent un tel monde fermé ne sont pas forcément adoptés par ces "nouveaux venus". Tous les cyclistes n'ont pas fait leurs classes et passé leur jeunesse dans les courses de villages des pays pionniers. Or depuis les années soixante, nous savons que les cyclistes recourent de temps en temps à des stratagèmes pour améliorer leurs prestations.
Le dopage était autrefois considéré comme de la ruse. C'était le temps héroïque où l'on racontait comment on gagnait une course grâce à un oeuf cru dans un verre de stout. Où l'on vantait les remèdes les plus divers - des biftecks épais au champagne - qui faisaient naître des forces étonnantes dans les mollets des Flandriens. Le vent a tourné en 1967 avec la mort du coureur britannique Tom Simpson, mais lentement. Très lentement. Dans le microcosme du cyclisme - autour duquel gravitent les directeurs d'équipe, soignants, journalistes et intermédiaires de toutes sortes - la pression morale et éthique n'était pas assez forte pour pousser à lutter contre le dopage, la tricherie. Plus les produits devenaient dangereux, plus la lutte se faisait sévère et plus les méthodes de dopage se raffinaient. Les soignants étaient remplacés par des professeurs d'université et la limite floue qui sépare les suppléments alimentaires des produits illicites s'élargissait de plus en plus.
Pendant des décennies, cette petite communauté s'est débattue avec son éthique. Les sponsors préféraient que leur réputation ne soit pas entachée mais ce sport étant le seul où les équipes sont désignées par le nom de leur bailleur de fonds, cité pendant des heures à la télévision, la règle voulait que ce que l'on ne voit pas ne nuit pas. Toutefois, la globalisation, une nouvelle génération de journalistes et des méthodes scientifiques permettant de déceler la tricherie ont inversé la tendance.
Alors qu'auparavant, la marge de tolérance était énorme, celle-ci a désormais non seulement totalement disparu mais les règles, lois et normes de comportement qui régissent le cyclisme sont d'une sévérité exceptionnelle. Des équipes sont suspendues, des coureurs exclus, radiés et remerciés sur la base de soupçons et de rumeurs. De grands noms et des vainqueurs du Tour doivent plier bagages parce qu'ils ont été cités dans une "affaire" d'une manière justifiée ou non. Des maillots jaunes ont été renvoyés dans leurs foyers sans la moindre preuve qu'ils avaient mal agi. Le seuil de tolérance devenu inexistant, les équipes veulent se montrer plus catholiques que le pape et des mesures draconiennes sont prises au moindre soupçon de tromperie.
Vive les chipies
On aimerait donc penser que notre société ne supporte plus les tricheurs. Nos normes exigent que l'on bannisse les substances interdites. Nous n'aimons pas (plus) ceux qui s'injectent ou avalent des produits améliorant ou modifiant leurs performances. Nous évoluons vers un monde pur, nos principes éthiques sont nettement plus stricts qu'il y a cinquante ans, lorsque les coureurs qui se dopaient étaient simplement plus malins que les autres.
Une conclusion pourtant fausse si l'on examine qui sont nos héros. Paris Hilton, enfant gâtée d'un richissime père. Sa seule occupation consiste à faire la fête, se saouler, diffuser à la sauvette de petits films pornos la mettant en scène et changer constamment de fiancé; ajoutons qu'elle est régulièrement aperçue dans les milieux de la drogue, qu'elle est bête et qu'elle conduit en état d'ivresse. La fascination avec laquelle la presse ouvre chaque jour tout grand ses colonnes à cet enfant prodige va totalement à l'encontre de la sévérité avec laquelle les cyclistes sont traités. Autre exemple de notre culture populaire, Kate Moss, top-model, catégorie de célébrités inventée par les médias de la mode. Kate Moss s'est mis ta planète entière à dos lorsqu'on a appris - ou eu la confirmation - qu'elle sniffait de la cocaïne. La chaîne de magasins H&M avait à peine rompu son contrat qu'aussitôt d'autres contrats (plus juteux) attendaient sa signature. Kate Moss est plus populaire (et plus chère) que jamais, malgré la réprobation que suscite son comportement.
L'éthique fait vendre
C'est à croire que nous avons du mal à maîtriser l'éthique. A un microcosme s'appliquent des règles diamétralement opposées à celles d'un autre. Contrairement aux prêtres, législateurs et hommes politiques, ce sont de plus en plus les médias qui jouent le rôle de sermonneurs, de gardiens de la morale. Kate Moss a été tournée en dérision par "The Daily Mirror", les scandales de dopage sont publiés par "L'Equipe" et s'inscrivent souvent dans une lutte économique opposant l'organisation du Tour à l'Union cycliste internationale pour des questions d'argent et de droits.
Les journalistes spécialisés de la presse musicale et people mangent tous les jours dans la main des maisons de disque, chaînes de télévision et chargés des relations publiques. Là aussi, donc, on suit l'éthique changeante du jour. Combien de stars à la fibre profondément éthique, chantant sur les scènes du monde entier contre la faim, la pauvreté et la dégradation de l'environnement, ne céderont pas un jour aux appâts du monde de la musique pop avec sa drogue, son alcool et ses filles?
L'éthique est devenue un argument de vente. Nous achetons des fonds de placenent éthiques, du chocolat éthique et des vêtements confectionnés selon des codes éthiques. Souvent, les entreprises entourent leurs économies d'un léger nuage d'éthique comme c'est le cas pour les sachets en plastique et les serviettes de bain.
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