mercredi 24 octobre 2012

Un avis intéressant sur l'affaire Armstrong

Par Jean-Pascal Gayant. Professeur de Sciences économiques, université du Maine (Le Mans).

 Le plus choquant, dans l'attitude passée de Lance Armstrong, n'est pas son recours systématique au dopage ni même la mise en place par l'intéressé du « programme de dopage le plus perfectionné, le plus professionnel et le plus efficace jamais vu dans le sport » (selon les termes du communiqué de l'Agence américaine antidopage), mais bien son comportement de « parrain » du cyclisme professionnel.
L'exemple le plus emblématique de cette mise en coupe réglée du peloton fut l'intimidation dont eut à souffrir le cycliste Christophe Bassons lors du tour de France 1999.
Lors d'une étape, refusant le dopage et la « loi du milieu », il ne se range pas aux consignes du peloton et décide de jouer sa chance. Lance Armstrong se charge alors personnellement d'aller insulter et menacer l'impudent, pendant la course, devant les caméras de télévision du monde entier. En 2004, dans des circonstances similaires, il intime au coureur italien Filippo Simeoni, qui avait reconnu quelques années plus tôt avoir pris de l'EPO sur recommandation du sulfureux docteur Ferrari, l'ordre de rentrer dans le rang et de se taire...
La tâche des médias ne fut pas aisée pendant cette période. Entre les silences gênés et les sous-entendus périlleux, il ne fallait pas maltraiter la plus populaire des épreuves cyclistes. De plus, tel diffuseur du Tour de France ne pouvait pas « assassiner » l'épreuve qui garantissait ses audiences de l'été ou tel grand quotidien sportif ne pouvait pas décrier l'événement organisé par son propriétaire...
Quant aux plus hauts responsables politiques, force est de constater qu'ils n'ont pas toujours donné l'exemple : de François Mitterrand, interrogé sur les soupçons pesant sur son ex-ministre Bernard Tapie dans l'affaire O.M.-Valenciennes, qui balaye d'un revers de main les accusations de corruption et oppose la réussite de ce dernier aux allégations du footballeur Jacques Glassmann, à Nicolas Sarkozy qui clame son admiration pour Lance Armstrong, sans rien ignorer de la personnalité de l'intéressé, la bienveillance est complice.
Le parallèle entre ces affaires touchant aussi bien le football que le cyclisme est troublant : le sportif « obscur » et honnête, plutôt que d'être soutenu par le représentant du citoyen, est moqué et implicitement accusé de jalousie mesquine. Le message est dévastateur : il discrédite, auprès de la jeunesse, le discours sur l'intégrité et l'honnêteté que s'évertuent à dispenser les enseignants et les éducateurs (en particulier sportifs).
À certains égards, le sport professionnel est une industrie comme une autre. Il serait naïf de croire qu'il est à l'abri des dérives que l'on rencontre dans le monde des affaires. Mais il véhicule un contenu symbolique et émotionnel particulier. La classe politique et les médias doivent donc être irréprochables lorsqu'il s'agit de dénoncer les tricheries, la corruption et les comportements mafieux. Un mea culpa de certains intéressés ne manquerait pas d'élégance.
Jean-Pascal Gayant  (Article extrait de Ouest-France du 24  octobre 2012)

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